L’autorité du rabbinat pourrait s’internationaliser pour « libérer » les agounot

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L’autorité du rabbinat pourrait s’internationaliser pour « libérer » les agounot

La Knesset débat d’un projet de loi visant à accorder aux tribunaux rabbiniques la surveillance des divorces à l’étranger, y compris pour les couples mariés civilement

De nombreuses femmes juives françaises se sont tournées ces derniers jours vers des représentants israéliens, espérant que le tribunal rabbinique puisse les aider à résoudre leur statut de agouna– littéralement des femmes « enchaînées » qui se sont vues refuser un acte de divorce religieux – a déclaré mardi l’avocate Katy Clara Ayache.

Les tentatives d’Israël pour octroyer aux tribunaux rabbiniques de l’Etat juif le pouvoir de sanctionner les juifs non-citoyens qui refusé un [acte de divorce juif] à leurs épouses ont été évoquées dans la presse juive française le week-end dernier, a-t-elle déclaré mardi à la Knesset

Une effusion de requêtes s’est ensuivi.

En France, « ce n’est pas un phénomène, c’est un méga-phénomène » constitué de « centaines » de cas d’agounot, a déclaré Ayache.

Selon la loi juive, un mariage ne peut être dissous sans que l’homme ne consente à donner le guett. Les tribunaux rabbiniques ne peuvent forcer un homme à le donner à sa femme, mais en Israël, ils peuvent imposer des sanctions sévères, y compris la peine d’emprisonnement, et la honte publique sur leurs maris dont les juges considèrent qu’ils retiennent injustement leurs femmes, ce qui leur donne le statut de agouna.

Avec peu ou pas de pouvoir coercitif dans les tribunaux rabbiniques de leurs pays d’origine, les partisans de ce projet considèrent qu’il permettra aux femmes juives privées de leurs droits dans les autres pays du monde de demander un divorce religieux en Israël.

Mais le projet de loi soutenu par le gouvernement a été largement critiqué par les législateurs de la Knesset (y compris de la coalition), les militants travaillant sur le statut des agounot, les leaders du judaïsme réformé et conservateur et les experts en droit international. Selon eux, il s’agit d’une extension hautement problématique de l’autorité juridique orthodoxe sur – potentiellement – tous les Juifs du monde en instance de divorce.

Bien que le projet de loi ait été approuvé par la Commission des Lois, le projet de loi sera soumis à la plénière de la Knesset pour les deux dernières lectures. Le projet de loi a été bloqué mardi par des représentants de partis de la coalition, Koulanou et Yisrael Beytenu, qui exigent que des changements importants y soient apportés.

« Si cette loi passe dans sa version actuelle, il y aura deux institutions religieuses dans le monde qui revendiquent l’autorité judiciaire exclusive : les tribunaux rabbiniques et l’Etat islamique », a accusé la députée Yulia Malinovsky de Yisrael Beytenu.

Le bâtiment du Grand Rabbinat d’Israël à Jerusalem. (Crédit : Flash90)

« En tant que parti, nous avons des difficultés avec ce projet de loi et nous ne voyons pas comment nous pouvons le laisser progresser », a déclaré la députée Rachel Azaria, du parti Koulanou, composé de dix membres. Les objections de la coalition font qu’il est presque certain que le projet de loi fera l’objet de révisions avant son vote final à la Knesset.

Le débat de mardi portait à la fois sur le pouvoir centralisé qui serait accordé au Grand Rabbinat sur les affaires de divorces juif, et sur une clause controversée qui aurait pour conséquence que les Juifs mariés civilement à l’étranger soient confrontés aux démarches légales du tribunal rabbinique israélien.

« En toute logique, en vertu de ce projet de loi, le divorce des homosexuels juifs serait sous la juridiction des tribunaux rabbiniques », a ironiquement remarqué Nitzan Caspi Shiloni, un avocat de l’ONG Centre for Women Justice.

La proposition

Le projet de loi étendrait l’autorité des tribunaux rabbiniques israéliens pour gérer un procès de divorce entre deux juifs mariés conformément à la loi juive, à condition que l’homme ou la femme en instance de divorce réside en Israël ou que celui qui demande le divorce ait vécu dans le pays un an.

Le projet de loi exigerait que la partie cherchant à dissoudre le mariage ait déjà tenté d’obtenir le divorce, tant civil que juif, dans le pays d’origine. Mais cela laisse une échappatoire pour des « circonstances spéciales » dans lesquelles les tribunaux rabbiniques pourraient renoncer à cette exigence.

Si toutes ces conditions sont remplies, et si le tribunal israélien accepte la nécessité d’un divorce, il peut alors demander au mari de donner à la femme un get, le document de divorce requis.

S’il refuse de donner le guett, ou si elle refuse de l’accepter, le projet de loi permettrait au tribunal rabbinique d’imposer l’ensemble des mesures déjà imposées aux citoyens israéliens, notamment des amendes, un gel des actifs, et, dans des cas extrêmement rares, une peine de prison.

Une réunion du Chief Rabbinate Council en août (crédit photo: via Facebook)

Les tribunaux rabbiniques auraient également une juridiction légale sur les couples qui se sont mariés civilement en dehors d’Israël, à la condition que la partie cherchant à obtenir un un divorce religieux ait vécu en Israël pendant un an ; que le dernier endroit où le couple ayant vécu ensemble devant être Israël ; ou selon des « circonstances spéciales », stipule-t-il.

Israël ne reconnaît pas les unions civiles dans le pays et tous les problèmes de statut personnel sont traités par le Grand-Rabbinat. Cependant, les couples mariés civilement à l’étranger peuvent faire valider rétroactivement leur mariage par l’État. En conséquence, beaucoup d’Israéliens qui veulent éviter de se marier religieusement, par le biais du rabbinat, choisissent de se marier à l’étranger.

De façon exceptionnelle, le représentant des tribunaux rabbiniques, le rabbin Shimon Yaakoby, a préféré une version antérieure de la proposition de loi  de la députée de l’opposition Aliza Lavie (Yesh Atid), au projet plus plus radical du gouvernement. Il a proposé que la question des unions civiles soit débattue en tant que projet de loi distinct.

Yesh Atid MK Aliza Lavie à la Knesset, Février 13, 2018. (Yonatan Sindel/Flash90)

« Il est important pour nous que cela passe par un consensus, et donc nous sommes disposés à le diviser afin que nous puissions discuter sérieusement de la première partie », a-t-il dit.

Lavie, ayant déclaré que son projet de loi visait principalement à aider les femmes de l’ex-Union soviétique, a dit au panel qu’elle soutiendrait le projet de loi du gouvernement si la question des unions civiles était supprimée.

Une liste d’objections interminable

La critique de la proposition du gouvernement lors de la réunion de mardi était vaste, notamment de la part d’experts en droit international sur les pièges de l’octroi de pouvoirs internationaux au mariage et au divorce aux tribunaux rabbiniques. Des militants ont également exprimé des réserves, craignent que ce projet de loi ne soit exploité par des époux insatisfaits pour extorquer de l’argent.

« Il est important de se rappeler que les tribunaux en Israël ont un programme qui discrimine les femmes dans les procédures de divorce et les considère comme soumises aux souhaits de leurs maris et sont tenus de respecter les conditions de divorce du mari », a accusé dans un communiqué précédant l’audience, Batya Kahana-Dror, chef de l’organisation Mavoi Satum.

« Dans une large mesure, le projet de loi est conçu pour renforcer le contrôle du rabbinat sur le judaïsme et la communauté juive mondiale, y compris ceux qui n’ont pas accepté d’autorité religieuse et ont choisi un mariage civil », a-t-elle ajouté.

D’autres ont soutenu que la proposition déresponsabiliserait les tribunaux rabbiniques locaux dans le monde entier, pourrait causer des vérifications sur les antécédents invasives et pourrait aboutir à un traitement préférentiel pour les non-Israéliens dans les tribunaux rabbiniques (la loi proposée fixe des délais rapides pour l’action des tribunaux rabbiniques israéliens à la réception d’une demande par des non-citoyens), et exacerber la dissension croissante entre Israël et la communauté juive de la diaspora.

« Un de mes collègues outre-atlantique pensait que je plaisantais [quand je lui ai parlé de l’initiative], parce que le gouvernement israélien ne peut légiférer quelque chose qui les concerne sans les consulter ou entendre une opinion susceptible d’affecter leur autorité », a déclaré l’avocat Yizhar Hess, le chef du mouvement israélien Masorti (conservateur).

« Nous sommes dans une crise sans précédent avec la communauté juive mondiale, et au lieu d’envoyer un pompier, [Israël] envoie un pyromane », a-t-il dit. « D’un petit monopole, ils veulent créer un conglomérat. »

Le chef du mouvement réformé israélien Gilad Kariv a fait valoir que le projet de loi rendrait les tribunaux rabbiniques du monde entier, y compris les tribunaux orthodoxes, réticents à se prononcer sur les affaires de divorce.

« Nous allons créer une situation dans laquelle les tribunaux rabbiniques de la diaspora auront peur de toucher aux divorces, tout comme à la question de la conversion », a-t-il dit.

JTA a contribué à cet article.

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